Les Capitaux du Hezbollah les plus sûrs, placés en Europe

Publié le 22 Juillet 2013

Les Capitaux du Hezbollah les plus sûrs, placés en Europe

(Article de Hanin Ghaddar et Ana Maria Luca publié le 4 juin 2013 sur Tablet, traduit, adapté et relayé le 22 juillet 2013 sur JForum)

Le placement de la "branche armée" du Hezbollah comme organisation terroriste aura –t-il le moindre effet ?

Peu probable, à tel point l’Empire financier du groupe terroriste prospère, au coeur même de l’Europe, tenu par des agents en costume-cravate, apparemment, au-dessus de tout soupçon.

Nous préparons, à ce sujet, une carte d’Euope, exposant les principaux Centres d’implantation de cet Empire du Hezbollah, en Europe, à : Bruxelles-Antwerp, Madrid, Berlin, Copenhague, Varsovie, Bratislava, Kishinev, Bucarest, Sofia et Nicosie.

En 2005, les agences pour le respect des lois en Roumanie ont examiné en profondeur les activités commerciales de Talal Mohammad Kansou, le propriétaire d’un restaurant libanais de Bucarest. Né au Liban, il avait vécu au Qatar, avec sa famille, durant plusieurs années, à la fin des années 1980 et avait emménagé en Roumanie en 1991. Mais, le 18 février 2005, le gouvernement roumain a rejeté sa demande de statut de résident permanent.

Un câble de l’Ambassade américaine en expose les raisons. La mission diplomatique « disposait d’informations recoupées et corroborées, indiquant que le sujet avait des liens avec Hezbollah libanais et qu’il pourrait, en fait, fournir un soutien à des membres actifs du Hezbollah en Roumanie. « Le sujet a des relations d’affaires continuelles avec le Liban. De plus, le Ministère roumain de la Justice a condamné le sujet pour son implication dans les réseaux de trafic de drogue », expliquait le câble.

Le dossier Kansou est bien loin d’être unique en Europe. L’un des financiers les plus importants du Hezbollah, le milliardaire Kassim Tajideen, qui s’est vu placé, en 2010, sur la liste noire du Département américain du Trésor pour ses liens avérés avec le « Parti de Dieu », avait déjà été arrêté en Belgique, en 2003, puis "coincé", en 2011, avec son frère, en République du Congo. Mais les accusations pesant sur lui, « de fraude fiscale à grande échelle, de blanchiment d’argent et de commerce de diamants d’origine douteuse » n’avaient pu être prouvées, à l’époque, et il avait été libéré. Ses liens avec le Hezbollah, comme dans le cas de beaucoup d’autres hommes d’affaires, en cheville avec le mouvement terroriste, ne semblent pas poser de problèmes aux autorités européennes. Le fait de soutenir une idéologie ou une organisation n’est pas, en soi, illicite, tant que ces partisans ne portent pas préjudice aux autres. L’empire sociétaire des frères Tajideen est localisé au Congo-Kinshasa en Angola, au Sierre Léone, au Liban et aux Iles Britanniques.

L’Europe a fini par ajouter la branche armée du Hezbollah à sa liste des organisations terroristes, après une campagne de pressions, depuis l’attentat terroriste dans la cité balnéaire bulgare de Burgas, en juillet 2012, qui a fait six morts, parmi les touristes israéliens, passagers d’un bus et leur chauffeur local ; l’enquête qui a suivi a incriminé le Hezbollah. Dans un dossier séparé, un messager du Hezbollah, à Chypre, a avoué au Tribunal qu’on lui avait ordonné de surveiller les touristes israéliens en villégiature sur cette île méditerranéenne. Des hommes politiques et bureaucrates européens ont fait savoir que leur motivation principale était de mettre un terme à l’implication du Hezbollah dans la « guerre civile » syrienne. Mais l’Europe ferait mieux de s’inquiéter de l’Empire financier que le Hezbollah est parvenu à se tailler, en Europe même et de ses conséquences pour l’avenir du continent.

Les communautés chi’ites libanaises en Europe fournissent d’excellentes pépinières de recrutement pour le « Parti de Dieu » et donnent fréquemment de l’argent aux « œuvres caritatives » parrainées par le Hezbollah, qui lèvent des fonds, sous couvert de causes sociales au Liban.

Les hommes d’affaires en cheville avec le Hezbollah mettent aussi sur pied des sociétés-écran dans les pays à réglementation laxiste et dont les gouvernements sont faibles et corrompus, puis transfèrent ensuite leurs financements vers des comptes dans des banques européennes au-dessus de tout soupçon. Ces derniers agents sont les plus précieux pour le groupe libanais. Techniquement respectueux des lois européennes et sachant faire profil bas, ce sont eux qui amassent l’essentiel de l’argent dont le groupe a besoin pour financer, non seulement, ses programmes militaires, mais aussi ses écoles, ses hôpitaux et les activités de la communauté destinés à assurer une base populaire -donc sa "légitimité"- au groupe terroriste, à l’intérieur du pays.

Selon le professeur d’Université Hares Suleiman, au Liban, le Hezbollah a commencé à bâtir son empire financier dès 2001-2002, en suivant l’exemple des Gardiens de la Révolution iranienne, qui ont développé des réseaux de sociétés dans le Golfe. « Le Hezbollah a commencé à contacter des hommes d’affaires et à construire des partenariats, en augmentant, graduellement, son capital et en investissant dans des hôtels, la concession automobile, des usines de fabrique de vêtements et de la vente en gros », explique t-il. « A la même époque, des membres du Hezbollah et leurs partisans – qui n’avaient rien à voir avec des hommes d’affaires, du moins, à l’origine- ont ouvert de nouvelles affaires, des fonds d’investissement et des institutions, aussi bien au Liban qu’à l’étranger, dans des endroits comme l’Afrique, le Golfe, l’Amérique du Sud. Après la Seconde Guerre du Liban, en 2006, le phénomène n’a fait que s’accroître », fait-il remarquer.

Ce changement est devenu particulièrement criant, au Sud Liban, où des villas ressemblant à de véritables châteaux ont poussé comme des champignons sortis de nulle part, juste après cette guerre. La plupart des résidents locaux vous serviraient la ligne officielle du Parti qu’ils soutiennent les yeux fermés : Ils construisent des villas pour prouver à quelle rapidité la « résistance » est capable de se régénérer, après une guerre contre Israël. Dans la ville de Kherbet Selem, où le Hezbollah contrôle le Conseil Municipal, les parents du Maire ont bâti un véritable château, avec le drapeau brésilien flottant au sommet – un clin d’œil à la source de l’argent qu’il a fallu pour le construire, provenant directement de l’Empire bourgeonnant dont dispose le Hezbollah en Amérique du Sud – et des portraits du dirigeant du Hezbollah, Hassan Nasrallah, partout le long des murs.

L’essentiel de l’argent qui circule au milieu des villages du Sud Liban provient d’Amérique du Sud, d’Afrique de l’Ouest, où se situe la majorité des centres d’affaires du Hezbollah. Mais des sources bien informées affirment que cet argent fait même des poses durables dans les coffres- forts de l’Europe, détenus par des financiers, puis qu’il est blanchi à travers des sociétés-sœurs basées en Europe, de façon à ce qu’il n’attire pas trop l’attention.

Les communautés chi’ites libanaises supportrices du Hezbollah en Europe lèvent aussi des fonds pour le (supposé) « Parti de Dieu » grâce aux dons envoyés aux « œuvres caritatives ». L’Allemagne possède une très vaste communauté de partisans du Hezbollah qui s’est agrandie considérablement au cours de la dernière décennie. Des médias allemands ont rapporté, en 2007, que 900 opérateurs du Hezbollah étaient, déjà, répertoriés dans le pays, et qu’ils se rencontraient régulièrement dans, au moins, 30 Centre culturels et mosquées de la communauté. Ces « activistes » soutiennent financièrement le Hezbollah au Liban, grâce à des organisations de levée de fonds, comme « l’Association pour le Projet libanais d’aide aux Orphelins ». Les financements donnés à cette association sont, alors, transférés à l’Association Al Shahid (du Martyr) du Hezbollah, qui soutient les familles du personnel paramilitaire- terroriste du Parti, tué au combat.

La Suède accueille aussi un forte communauté de partisans du Hezbollah, qui est autorisée à opérer librement dans le pays. Plusieurs rassemblements organisés par les partisans du Parti ont déjà bénéficié d’une participation considérable dans les principales villes du pays et ont recueilli le soutien inconditionnel des partis de l’opposition d’extrême-gauche du pays. L’an dernier, deux (double-) citoyens Libano-suédois ont été arrêtés par des instances séparées, pour avoir tenté de planifier des attentats contre des Israéliens à Bangkok et Chypre. Le Hezbollah a, également, organisé des levées de financements dans d’autres pays de l’UE, tels que le Danemark.

Mais, le plus souvent, les autorités européennes et les agences censées faire respecter la loi, ne sont pas trop regardantes à l’encontre des activités du Hezbollah cherchant à lever des fonds, ni envers les affaires commerciales susceptibles d’avoir des liens avec le Hezbollah, parce qu’on préfère ne pas les percevoir pour ce qu’elles sont, c’est-à-dire comme une menace pour la sécurité en Europe – et peu importe à quel point ces relations sont évidentes en direction d’organisations qui parrainent la violence n’importe où ailleurs. On ne sait pas si Kansou vit encore en Roumanie ou s’il fait des aller-retour vers le Liban. Son restaurant de Bucarest s’est étendu, entretemps, pour se transformer en hôtel trois étoiles, et ses relations présumées avec le Hezbollah n’ont jamais réellement fait l’objet d’une enquête sérieuse.

Pourquoi ? Il règne toujours une grande part de confusion, entre ce qu’est un financier direct et avéré du Hezbollah et un simple homme d’affaires chi’ite, originaire du Liban, qui en viendrait, "naturellement", à soutenir « politiquement » le Hezbollah. Par conséquent, la volonté récente de l’Union Européenne de placer la « branche armée » du Hezbollah sur la liste des organisations terroristes va, probablement avoir un impact très limité sur la capacité du groupe à exploiter l’Europe pour financer ses activités. Prouver qu’une personne est un combattant du Hezbollah est souvent extrêmement difficile, et le Hezbollah tend à utiliser des « hommes d’affaires » chi’ites en Europe, qui ne sont, d’ordinaire, pas détenteurs d’une carte du « Parti de Dieu » et dont "l’arme fatale" est le billet de banque.

Sans la volonté politique de prendre ces affaires commerciales pour cibles d’enquêtes et de déclarer ouvertement le Hezbollah lui-même comme une organisation terroriste active – et pas seulement sa « branche militaire », un distinguo que l’organisation elle-même n’a jamais reconnue et ne reconnaîtra jamais – les opérations de transactions et de levée de fonds, depuis le cœur même de l’Europe, qui paient les frais d’assassinats pour motifs politiques, à travers le monde entier, se poursuivront sans encombre. Et comme les dossiers de Burgas et de Chypre l’ont démontré, il n’y a aucune raison valable de croire que les attentats à la bombe et les meurtres commis par le Hezbollah resteront confinés au Moyen-Orient. Ils pourraient, tout aussi bien, survenir en Europe même.


Article original :

HEZBOLLAH'S SAFE EUROPEAN HOME FUNDS TERROR IN THE MIDDLE EAST
(Article de Hanin Ghaddar et Ana Maria Luca publié le 4 juin 2013 sur Tablet)
Will the call to list the Lebanese group’s military wing as a terrorist organization in the European Union have any effect?
In 2005, law-enforcement agencies in Romania looked deeply into the business activities of Talal Mohammad Kansou, a Lebanese-restaurant owner in Bucharest. Born in Lebanon, he had lived in Qatar with his family for several years in the late 1980s and moved to Romania in 1991. But on Feb. 18, 2005, the Romanian government rejected his request for permanent resident status.
The reasons are stated in a U.S. Embassy cable. The diplomatic mission had “uncorroborated information indicating that subject has connections to Lebanese Hizballah and may in fact have provided support to active Hizballah members in Romania.” “Subject has ongoing business connections with Lebanon. Further, the Romanian Ministry of Justice has implicated subject in drug trafficking,” the cable read.
Kansou’s case is hardly a singular one in Europe. One of Hezbollah’s most important financiers, billionaire Kassim Tajideen, who was blacklisted in 2010 by the U.S. Department of Treasury for his links to the Party of God, was arrested in 2003 in Belgium. But the charges, “large scale tax fraud, money laundering and trade in diamonds of doubtful origin,” were not proven at the time, and he was released. His links to Hezbollah, as is the case with many other businessmen’s links to the same group, don’t seem to be a problem for the European authorities. Supporting an ideology or an organization is not illegal, as long as the supporters don’t harm others.
***
The United Kingdom, supported by France and Germany, recently submitted an official request to the European Union to list Hezbollah’s military wing as a terrorist organization, after the United States and Israel pressured and lobbied the forums in Brussels for months. The move came after a bombing in the Bulgarian seaside resort of Burgas in July 2012 that left six dead in a bus transporting Israeli tourists; the subsequent investigation incriminated Hezbollah. In a separate case, a Hezbollah courier in Cyprus confessed in court that he was ordered to stalk Israeli tourists on the Mediterranean island. European politicians and bureaucrats have suggested that their real objection is to Hezbollah’s increasing involvement in the Syrian conflict. But what Europe should really be worried about is the group’s European business empire and its ramifications for the continent.
Lebanese Shiite communities in Europe provide good recruiting pools for the Party of God and often donate money to Hezbollah-sponsored charities that raise funds for social causes in Lebanon. Businessmen affiliated with Hezbollah also set up façade companies in countries with lax legislation and weak and corrupt governments and then transfer their funds to respectable European accounts. The latter are more important to the Lebanese group. Technically abiding by the European laws and keeping a low profile, they make most of the money the group needs to finance not only its military program but also the schools, hospitals, and community activities meant to secure the group’s popular base inside Lebanon.
According to Lebanese University professor Hares Suleiman, Hezbollah started building its business empire in 2001-2002, following the example of the Iranian Revolutionary Guards, which had set up networks of companies in the Gulf. “Hezbollah started contacting businessmen and building partnerships, increasing its capital and investing in hotels, the car trade, clothes manufacturing, and wholesale,” he said. “At the same time, Hezbollah members and supporters—who were not businessmen to start with—opened new businesses, investments, and institutions in Lebanon and abroad, in places such as Africa and the Gulf. After the 2006 July War, the phenomenon increased,” he pointed out.
The change was obvious in South Lebanon, where castle-like villas sprang up out of nowhere after the July 2006 war. Most locals would give you the official line of the party they support: They built their villas to show how fast the Lebanese resistance could regenerate after the war with Israel. In the town of Kherbet Selem, where Hezbollah controls the local council, the mayor’s relatives built an actual castle with the Brazilian flag on top—a clue to the source of the money, in Hezbollah’s burgeoning South American business empire—and Hezbollah’s leader Hassan Nasrallah’s pictures lining the walls.
Most of the money channeled toward South Lebanon’s villages comes from Latin America and West Africa, where most of Hezbollah’s businesses are located. But informed sources say that even some of that money makes stops in Europe-based accounts belonging to financiers and is then laundered through European-based sister companies so it doesn’t attract too much attention.
Lebanese Shiite communities of Hezbollah supporters in Europe also raise funds for the Party of God through donations made to charities. Germany has a large community of Hezbollah supporters that has grown considerably during the past decade. German media reported in 2007 that 900 Hezbollah activists were in the country and that they regularly meet in 30 cultural community centers and mosques. These activists financially supported Hezbollah in Lebanon through fundraising organizations, such as the “Orphans Project Lebanon Association.” Funds donated to that association were then transferred to Hezbollah’s Al Shahid Association, which supports the families of the Party of God’s military personnel who are killed in action.
Sweden also hosts a strong community of Hezbollah supporters, which it allows to operate freely in the country. Several rallies organized by the party’s supporters had quite a considerable turnout in the country’s main cities and were supported by Sweden’s left-wing opposition parties. In the last year two Lebanese-Swedish men were arrested in separate instances for trying to plan attacks on Israelis in Bangkok and Cyprus. Hezbollah has also done public fundraising in other EU countries such as Denmark.
But the European authorities and law-enforcement agencies often do not look into Hezbollah’s fundraising activities, or into businesses that might have links to Hezbollah, because they are not seen as a threat to public security in Europe—no matter how clear the links are to organizations that sponsor violence elsewhere. It is not clear if Kansou still lives in Romania or travels back and forth to Lebanon. His restaurant in Romania has expanded, in the meantime, into a three-star hotel, and his alleged connection to Hezbollah was never officially investigated.
Why? There is always a certain amount of confusion between a Hezbollah financier and a simple Shiite businessman from Lebanon who happens to support Hezbollah. The EU’s recent willingness to place Hezbollah’s “military wing” on the list of terrorist organizations is therefore likely to have very limited impact on the group’s ability to use Europe to finance its activities. Proving that a person is a Hezbollah fighter is often very difficult, and Hezbollah tends to use Shiite businessmen in Europe who are usually not officially affiliated with the Party of God.
Without the political will to target these businesses and openly declare that Hezbollah itself is an active terrorist organization—not just its “military wing,” a distinction that the organization itself doesn’t recognize—transactions and fundraising operations inside Europe that pay for politically motivated killings around the world will continue. And as the Burgos and Cyprus cases show, there is no reason to believe that Hezbollah-sponsored bombings and killings will be confined to the Middle East. They can happen in Europe, too.

Photo 1 (en tête d'article) : crédits : Joseph Barrak/AFP/Getty Images - Photo 2 : Le château de Kherbet Selem. Crédit : Ana Maria Luca

Photo 1 (en tête d'article) : crédits : Joseph Barrak/AFP/Getty Images - Photo 2 : Le château de Kherbet Selem. Crédit : Ana Maria Luca

Rédigé par 'Ami Artsi

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