Le film d’un Arabe, que les Arabes refusent de voir (vidéo)

Publié le 31 Mai 2013

Alors que le film « L’attentat », de Ziad Doueiri, adapté du roman de Yasmina Khadra, sort en France, il est au contraire non désirable dans les pays arabes.

Coup de projecteur sur un film qui fait polémique.

Un attentat en plein cœur de Tel-Aviv, 17 morts, dont 11 enfants, du sang, des cris.

Les premières scènes du film « L’attentat », de Ziad Doueiri, adapté du livre de Yasmina Khadra, marquent pas.

Le docteur Jafaari, un Israélien d’origine arabe, voit les victimes affluer dans l’hôpital où il travaille.

Mais ce qu’il ne sait pas encore, c’est que le ou plutôt la kamikaze n’est autre que son épouse, une chrétienne palestinienne, qui s’est fait exploser à l’aide d’une bombe dissimulée sous une robe de grossesse.

Il le découvrira en pleine nuit, après une journée passée à opérer les victimes de l’attentat.

Le cinéaste s’est intéressé à l’enquête menée après cet attentant, à cette femme que le docteur Jafaari pensait connaître mieux que quiconque.

Comme lui, il pensait que son épouse était parfaitement intégrée dans la société israélienne.

Il ne peut croire au geste prémédité d’une femme qui quelques jours plus tôt affichait une joie de vivre et disait encore à son mari « Amin, Bahibak kteer » (je t’aime tellement, ndlr).

Il décide de se rendre à Naplouse pour tenter de comprendre ce geste et retrouver ceux qui auraient « lavé » le cerveau de sa femme.

Le film livre divers points de vue d’un conflit surmédiatisé et qui perdure.

Sorti le 29 mai 2013 dans les salles françaises, « L’attentat » a au contraire été interdit dans les 21 pays de la Ligue arabe.

Les raisons d’un boycott

La première erreur commise par Ziad Doueiri, selon la Ligue arabe, a été de tourner son film en Israël.

Les résidents des pays arabo-musulmans, hormis quelques exceptions, ne peuvent se rendre en Israël et revenir dans leur pays d’origine.

Le cinéaste entend se battre pour que son film sorte au Liban, son pays natal.

Aussi, son film peut être perçu comme étant pro-israélien.

Toutefois, en l’interdisant, la Ligue arabe a créé le buzz autour de ce film.

De plus, sa sortie en France augmente la médiatisation de cette production.

De plus, les populations des pays arabo-musulmans, où le film a été interdit, ne devraient pas avoir trop de mal à en avoir accès grâce à Internet.

Fouad Harbit/Afrik.com

Ziad Doueiri : "Réaliser ‘L’Attentat’ fut la plus grosse galère de ma vie"

"Je ne sais toujours pas où est ma boussole", confie, dans un français impeccable, le réalisateur libanais Ziad Doueiri, rencontré à Paris le 10 mai, avant la sortie de son troisième long-métrage, L’Attentat, mercredi 29 mai. Né au Congo, de parents enseignants aux Nations unies, il grandit au Liban de 4 à 18 ans. En 1982, en pleine guerre civile, il émigre à Los Angeles, où il étudie le cinéma. A Hollywood, il est stagiaire, chauffeur et assistant caméra pour Quentin Tarantino ou Robert Rodriguez, avant de passer à la réalisation avec West Beyrouth (1998), coproduit par Rachid Bouchareb. Au terme d’une genèse douloureuse, L’Attentat marque le retour du cinéaste après huit ans d’absence.

"L’Attentat" ne sortira pas au Liban. Pourquoi ?

Depuis 1955, il existe une loi au Liban qui stipule qu’aucun citoyen libanais ne doit entrer en contact avec un Israélien, à quelque niveau que ce soit. En choisissant de tourner à Tel-Aviv avec une équipe et des acteurs israéliens, je savais que j’étais en infraction, mais j’espérais que la loi ne serait pas appliquée. De fait, le gouvernement libanais nous avait donné, il y a quelques mois, le permis de distribuer le film. Mais un organisme arabe, le Comité de boycottage d’Israël, a contesté cette décision. La Ligue arabe lui a emboîté le pas et appelé tous les pays arabes à boycotter le film. Le Liban a fini par obtempérer. Mais un pays comme le Maroc le fera-t-il ? J’en doute.L’Attentat a tout de même remporté le Grand Prix du Festival de Marrakech…

Vous avez commencé à travailler sur le film en 2006. Pourquoi a-t-il fallu attendre autant de temps pour pouvoir le voir ?

Mon agent américain m’avait alerté sur la qualité du livre de Yasmina Khadra , dont Focus Feature détenait les droits. J’étais très réticent à l’idée de réaliser un film traitant du Moyen-Orient. Je savais à quel point c’est compliqué à financer, à tourner et à distribuer. Mais je lis le livre à Beyrouth, et le trouve formidable. Dans la foulée, je rencontre le patron de Focus à New York. Ils sont partants pour que j’adapte le livre. Un mois plus tard, la guerre entre Israël et le Hezbollah éclate. J’ai failli abandonner le projet : je trouvais absurde d’écrire une œuvre de fiction alors que la guerre faisait rage à mille mètres de chez moi. Avec ma coscénariste, on s’est isolés à la montagne, et on a fini le scénario au bout de neuf mois.

Cependant, lorsque vous leur remettez le script, Focus se retire du projet…

Je n’ai jamais su pourquoi. Un ami producteur m’a dit : "Ils ont considéré que ton film était trop pro-palestinien pour un public américain, et trop pro-israélien pour un public européen." Pendant près de trois ans, nous avons négocié avec Focus pour qu’ils nous cèdent les droits du livre. Dès qu’on les a récupérés, nous sommes partis en France, en Belgique, au Qatar et en Egypte pour trouver des financements. Cela nous a pris un an et demi. Nous avons tourné avec un budget cinq fois moindre que ce que prévoyait Focus.

Lors de la présentation du film au Festival de Toronto, nouveau rebondissement : les producteurs qataris demandent à ce que leur nom disparaisse du générique. Que s’est-il passé ?

Quand ils ont découvert le film, à Toronto, les Qataris nous ont pris à part, moi et mon producteur. Ils ne nous ont pas demandé de rembourser l’argent – leur contribution représentait près de 60 % du budget –, juste de ne plus apparaître au générique. Interloqué, j’ai pris l’avion pour rencontrer le ministre qatari du tourisme, qui était à cette époque gouverneur du fonds d’Etat qui a financé L’Attentat. Je lui dis : "Vous cherchez à travers ce fonds à montrer la vitalité du cinéma arabe. Où est la logique ?" Il m’a répondu : "Ton film place sur un pied d’égalité le point de vue des Arabes et des Israéliens. Cela nous pose un problème. Nos faits et gestes sont scrutés par Al-Jazira. Nous sommes impliqués dans toutes les révolutions arabes. Ici même, au Qatar, les islamistes guettent. Tu vois l’arbre, nous voyons la forêt."

Votre film prend soin de ne pas ôter sa part de mystère au geste de l’héroïne, qui commet l’attentat. Etait-ce délibéré ?

Dans un roman, la place laissée à l’imaginaire, aux nuances, aux impressions, est grande. Face à un film, la plupart des spectateurs attendent des explications. Pourquoi cette femme commet-elle l’infaisable ? Est-ce parce qu’elle a raté sa carrière ? Parce qu’elle ne peut avoir d’enfants ? Parce qu’elle est bipolaire ? Ou encore parce qu’elle est née sur un barrage israélien qui a coûté la vie à sa mère ? Plutôt que de privilégier une piste, nous en suggérons plusieurs. Il ne fallait surtout pas simplifier la situation. C’est pour cela que nous avons rendu cette femme non pas musulmane, mais chrétienne. Son acte n’est pas religieux ; il est politique.

Bien que le film soit adapté d’un roman, votre mise en scène accorde autant d’importance, si ce n’est plus, à la bande-son et aux images qu’aux dialogues. Vous vous réclamez d’ailleurs de cinéastes très sensitifs : David Cronenberg, Terrence Malick…

The Tree of Life a failli me ruiner. Il est sorti quelques mois avant le tournage. Je l’ai vu sept fois, à Paris, puis en Israël. J’ai tout fait pour lutter contre l’influence de Malick sur mon film. Il fallait que je revienne à mon propre cinéma. J’espère y être parvenu.

Où vivez-vous aujourd’hui ?

Entre le Liban, la France et les Etats-Unis. Les studios américains me proposent de nouveaux projets, Jean Bréhat a envie de continuer à produire mes films en France. Mais pas question de traiter à nouveau du Moyen-Orient : L’Attentat fut la plus grosse galère de ma vie.

(Aureliano Tonet - Le Monde / NosNonDits)

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Rédigé par 'Ami Artsi

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P
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